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Philippe Nollet
| Envoyé lundi 13 septembre 2004 - 12h34: | |
On n'enferme plus les écrivains. C'est à eux de chercher la prison qui leur convient, s'ils veulent se faire censurer, ce pied ultime du maudit/banni plongé dans son splendide isolement. La prison c'est surtout le calme, le triomphe du silence, un truc personnel entre soi et soi, quelque chose qui a à voir avec la destruction du corps dans le temps. Un écrivain doit connaître son corps par coeur et être un spécialiste infaillible du temps. La démocratie a ceci d'abject qu'elle ne punit pas mais juge par avance. Ce nouveau siècle commençant dans une auto-célébration idéologique grotesque et infâme sera comme le précédent celui de l'image effrénée, pinacle d'une civilisation ignoble dont seul un irresponsable comme moi peut extraire la substance pour l'épingler, et non se contenter de gloser de loin, à l'abri des grenades... Plus personne n'existe réellement que blotti en foetus dans le sein moite et chaud de cette virtualité à multiples facettes : on ne sait plus qui est qui ni qui fait quoi ! On ne voit que des images débitées au kilomètre, celles d'êtres relativement humains reflétées dans des miroirs aux alouettes trop plombées pour avoir ne serait-ce qu'un zeste d'étoffe, de force existentielle ou spirituelle. Alors écrire... J'en suis arrivé à un point où je ne peux même pas me poser la question : est-on quelqu'un si on n'écrit pas ? Mais quand on est fait pour ça, absolument et uniquement fait pour ça et pour rien d'autre, c'est déjà une insulte que de se poser la question. Je jette autour de moi des morceaux de ma chair et de ma pensée (c'est la même chose) comme ces gardiens impassibles nourrissent les lions du zoo... C'est le prix à payer. Le bannissement du poète est toujours un impératif de premier ordre pour une société, seuls les prétextes changent selon les pouvoirs en place et les sociologies mesquines des "penseurs" installés au premier rang. Tout ce que j'écris a déjà été programmé préalablement : je suis celui qui peut vivre dans une cabane en lisière des bois et y écrire sans cesser de m'y remettre à chaque seconde, j'ai trop de choses à dire pour une vie, je n'ai aucun détail dans mes archives, tout est jeté en pâture, je ne fais pas de journalisme : les journalistes sont des chiens dressés pour ériger à perte de vue, à seule fin non déclarée de plaire à leurs maîtres, thuriféraires du pouvoir du vide, des monticules de bêtise et de vulgarité - à nous de nous passer d'eux, et de toute urgence ! ça fait déjà trop longtemps qu'ils déblatèrent sur leur époque et dessinent à notre usage de grands portraits grotesques, de faux-évènements et de mouvements sociaux moutonniers, de modes kleenex valant sermons et consignes de vote, crachant des stéréotypes de larbins persifleurs et des mots d'ordre à peine maquillés par des discours "progressistes"... Est-ce ou non la fin d'une ère tyrannique qui se lâche comme une vache morte se vide de son sang ? C'est vrai que tout s'écroule mais pas comme on vous le dit : la déliquescence des idéologies molles a installé une dictature implacable et d'autant plus nocive qu'elle siffle sous la pierre comme le cobra de la fable : celle des modérés - ces mous de toutes les époques rances, avachis dans leur centre-droit ou leur centre-gauche, quand ce n'est pas leur centre-centre, dans ce centre irréductiblement nul où crapote l'homme raisonnable bien au chaud, aux idées bien confortables et qui n'a ni pensée ni âme mais des OPINIONS, sale petit-bourgeois sûr de son arrogance, peureux du lendemain et du présent. Diriger l'énergie déjà moribonde d'un peuple contre les souvenirs brouillés des dictatures d'avant-hier, ça laisse suffisamment de latitude et de temps pour boulonner la décennie à venir, celle du RIEN et des bons sentiments : les chaises électriques de la démocratie sont branchées, présentez-vous au supplice, nos idées du bonheur vont pouvoir enfin régner... Alors quoi faire ? Dire non. Ne pas trahir la musique de Miles Davis et les montres molles de Dali, ni les illuminations de l'ardennais flambant ou les chorus de Prince. Ne pas même trahir ceux-là qui se sont pourtant trahis. Ceux restés hibernés dans leur subversion de jadis. La révolution est bien commode pour ça : elle change de nature selon la mode et ce que le pouvoir lui dicte. Quelle pitié ! Je plains ceux qui persistent dans cette voie de garage. Je plains aussi ceux qui m'aiment pour de mauvaises raisons et ceux qui me détestent pour les mêmes mauvaises raisons. Enfin hors de la ligne, enfin seul ! Et j'avance dans mon travail, qui est : subversion totale, écriture touffue et mystique de Babylone. Oui, c'est incompréhensible. Car il n'y a rien à comprendre. |
André Carruzzo (Dreas)
Identificateur : Dreas
Inscrit: 1-2005
| Envoyé lundi 03 janvier 2005 - 16h37: | |
Je suis de votre avis, Philippe Nollet. Même dans le canton reculé où je vis se perçoivent les effets néfastes de ce que vous dénoncez. Ecrivez! Ecrivez!... mais, de toute évidence, il n'est pas nécessaire qu'on vous le dise. Dreas |
Wizardeol (Wizardeol)
Identificateur : Wizardeol
Inscrit: 9-2004
| Envoyé mardi 22 février 2005 - 12h49: | |
Minute,je récuse toutes ces critiques faites à la Démocratie,et ce pour une raison bien simple,la Democratie n'a pas encore depassé le stade de la fiction,pour moi le systeme où on vit n'est pas une democratie,c'est plutôt une Democrature ou bien alors une Demoligarchie...Mais je suis d'accord pour le reste,cette bouillie molle et écoeurante que l'on appelle en termes sociologiques la "quête du centre " me pompe l'air à moi aussi...et ce que j'éxècre encore plus c'est cette condescendance à l'égard des démunis et des exclus que l'on déguise derrière des mots charitables ...On parle de solidarité,on fait un petit don et puis on redevient con,macho,raciste,anti-chômeur,anti-jeune,et tout...le CONsensus mou et les CONS de toutes les espèces sont-ils les seuls à avoir un avenir?J'ose croire que Non,mais il ne suffit pas de se plaindre,il faut agir,....sous peine de devenir comme eux,un type moyen,un type qui n'a pas d'opinions claires(et en fait pas d'opinion ,juste des points de vue glanés dans les émissions télé.)en fait un gros con de plus... |
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