Quelques poésies de mon cru

Le vieux forum: Les "premiers" textes remarqués par Albert: Quelques poésies de mon cru
By laurent puren on vendredi 18 février 2000 - 00h14:

Tonsure du moine
Chapelle Gaëlique
Tête momifiée du Saint
sous sa cloche de verre
Senteurs de tourbes
Goût de la bière

*

Bruissements de la forêt
Babil végétal
Puis ce silence qui précède l'averse

(La pluie seule peut faire taire
Les clameurs sylvestres)

Les premières gouttes s'abattent à peine sur les arbres
Que déjà la forêt toute entière ruisselle

Bercé par le clapotis de l'eau
Enivré par l'odeur d'humus qui monte des entrailles de la terre
Je me laisse dériver au gré des sentiers.

*

Laissez-moi replonger dans les forêts de mon enfance
Rouler dans les fougères
Me perdre au détour d'un sentier
M'enfoncer dedans la lande
Danser sous la pluie battante
M'assoupir au fond d'un bois
Enlacer les troncs des pins
A pleines dents mordre dans leur écorce tendre
Me coucher dans la bruyère
Humer la mousse
Sucer les pierres
Me pendre aux branches noueuses des chênes
M'y laisser bercer par le vent

Laissez-moi replonger dans les forêts de mon enfance

*

Neiges de la nuit
Saison de brouillard
Neiges de l'oubli
Il est déjà trop tard

*

Flammes dans l'âtre
Ronflement du feu
Sur les carreaux la pluie crépite
Rougeoiement des braises
La pendule sonne dix coups
Se tait
Les bûches craquent
Se consument
Senteurs de bois brûlé
Lueurs vacillantes
Dans l'obscurité.

*

Dans les forêts de pins
Sous les pas
La neige crisse
Lueurs crépusculaires
Sur les cimes assoupies
A moitié ensevelis
Sous les nappes blanches
Les arbres en prière
Se prosternent

*

Les sentes de mon pays
S'enfoncent dans la lande
Creusent leurs sillons dans les flots de fougères
Traversent les pinèdes aux arbres sépultures
Déchirent le linceul du ventre de la terre.

*

Que nous restera-t-il de ces jours sur terre?
La douceur d'un jour de pluie
Le souffle glacé d'un hiver
La lumière d'un soir d'été
Le timbre d'une voix familière
Le rire d'un enfant
Le parfum d'un être cher ...

*

Bipède putrescible
Cherche mortelle
Pour partager
Un pan d'éternité

*

Haïkus

Chapelle de granit
Sanctuaire de fraîcheur
En ce feu estival

Ardoises
Comme de bleus couperets
Qui coiffent la Bretagne

Ephémères tapisseries
De lumières mouvantes
Sur les murs de ma chambre

Les hirondelles strient l'air
De leurs appels perçants
Piqués sombres sur fond bleu

Langueurs dominicales
Englué dans l'ennui
Le temps s'est arrêté

Scories en suspension
Dans le flot de lumière
Halo sur le plancher

Gouttes de sang
Dans la blonde fourrure des blés
Les coquelicots éclaboussent l'été

Marée haute, marée basse
Marée basse, marée haute
Inexorablement

Longs soupirs des flots
Qui roulent sur le sable
S'engouffrent dans mes pas

Le temps comme une gomme
Qui tout estompe
Tout efface

Oiseaux
Perchés par dizaines sur les fils téléphoniques
Indéchiffrables partitions de plumes

*

Noirs soleils
Irradient
De leur jets
Incandescents
Chaires poisseuses
Bientôt saindoux
Genèse
De la putréfaction

*

Les derniers lambeaux de la mémoire
claquent au vent
Une goutte de temps
A tracé son sillon indélébile
Plaie ouverte
Mémoire hémophile
Vient crever le rideau de mes rêves
L'hémorragie cessera-t-elle un jour?
Déjà, au fond d'un trou
Nos chaires exsangues gisent
Figées, froides, oubliées
Bientôt les os
Et puis plus rien.

*

N'entends-tu pas
Le chant des fossoyeurs?
Par delà les murets
Du cimetière de cendres
Leurs voix s'élèvent en une étrange mélopée
Sous le regard indifférent
Des Christs de marbre
Deux silhouettes besognent
La terre.

*

Mettre en charpie
Ces Mots
Qui nous dépècent
L'âme
Et se torcher
La mémoire
Une bonne fois pour toutes

*

Qui osera encore nous faire croire en l'immuable innocence des choses ?
Souvenez-vous...
Cette fenêtre entrouverte un soir d'été
(Bien trop heureuse pour oser le moindre grincement...)
Ce drap qui repose négligemment au pied du lit
(Mais dont les plis sont autant de désapprobations...)
Cette statuette qui du haut de son étagère se concentre sur son rôle
Ce verre crasseux dans son coin d'évier
(Qui l'air de rien savoure son fond de vin...)
Ou encore ces mauvais romans cartonnés
(Qui entassés pêle-mêle se la jouent à "C'est moi qui ai le plus de pages"...)
Enfin, qui cherche-t-on à tromper dans cette affaire?
Combien de temps encore nous faudra-t-il endurer cette grotesque mascarade ?


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