Je suis entrée chez l'épicière.

Ton visage me hante et je suis
Toujours animée par ta voix.
Toi et ton regard droit,
Toi, ta douceur, ta patience,
Toi, le calme, la force,
Toi la confiance,
Toi, notre folie et la joie.

"Que voulez-vous ?" demande-t-elle,
retranchée derrière son comptoir,
envahie par les biberons,
par les boites de farine, de ciment,
par les briques, et les ravages du temps,
par les paquets de boudoirs,
qui autour d'elle s'amoncellent.

On trouve de tout dans sa boutique.

"Une douzaine d'ans s'il vous plait."
- Bien -
"Ils sont tout frais de ce matin
Ils viennent juste d'être pondus !"
Déjà lointains
Déjà vécus
Et moi il me les reste à vivre .

Douze années à courir après toi
Sans jamais de rattrapper
Puis douze années encore et encore
Le Temps pourrait-il s'arrêter ?
Rien à faire contre ce colosse ?
Il marche au même pas qu'on avance
Les bras tendus entre deux coeurs
Il se croit fort et inflexible
et veut nous prendre notre bonheur.
Sait-il seulement qu'il est trop faible
pour barrer sa route à la nôtre ?
Pour moi, pour toi
il est le vent
aussi lourd et léger que l'air.
Lourd en tempête
léger en souffle
Un souffle tendre sur ma raison
Dévastateur malgré ma foi
Mais
Il ne me séparera pas de toi.