Le banquet

Le vieux forum: Leila: Le banquet
By Leila (Leila) on Unrecorded Date:

J'ai convié mes cinq sens au banquet de l'écrit
Les ai priés à la bacchanale des mots
où les farandoles sont phrases
où le goût enlace le toucher, lui-même enlacé au plaisir

Ils étaient là
Cinq compères réunis autour du plat ciselé de mes désirs
Oh oui, ils étaient là, rehaussés de bijoux subtils frappés à l'effigie de leurs pouvoirs
Ils étaient là et leurs offrandes dressaient une table d'excès sur le blanc de la page

Royale, drapée dans les splendeurs de sa réputation, il y avait la vue
Elle a déposée dans ma paume blessée l'immense partition des ciels changeants
Les délicates enluminures de l'existence
La vie m'a fait ce don souverain et son regard
Chargé d'images sans nom a caressé comme une source mon esprit assoiffé

Dans une robe sombre bruissante des rumeurs de la nuit l'ouïe
m'a fait l'offrande d'un murmure versé en continu à mon oreille éperdue de musique
Mélopée de la peine et de la joie, zébrures cristallines du rire, gouffres haletants des sanglots
Elle a creusé dans le silence de mon âme une chambre d'échos aux lignes pures
pour que sonne et résonne chaque seconde, chaque souffle de vie à travers les essarts de l'écrit

Dames du jour et de la nuit, elles avaient à leurs bras trois cavaliers
Leurs mains chargées de l'impalpable saveur des mots

Penché sur mon visage dans le secret d'une alcôve tissée de vent
Le seigneur des parfums m'a révélé le suave et le fétide, l'enivrant et le délétère, l'ensorcelant
Tous muscs rares et signifiants dans l'air tremblant de nos haleines
Tourbillons d'essences exhalés dans les affres du désir
Et les mots sur la table haute respiraient d'un sang neuf

Saoule à an perdre l'esprit, j'ai senti le bras rond du toucher
Ses caresses ont réveillé mon corps à tous les maux, ces faiblesses indiscrètes et cruelles qui dérobent la chair
Il faisait aussi une fête de douceur, un envoûtement de satin sur ma nudité
Obole tisserande des mots, encore, pour voiler
Il se faisait amour en chaque espace offert à ses mains denses, dansantes
Et j'ai gémi dans le bonheur et la souffrance
Tant et tant que mon âme a épousé mon corps
Satiété de plaisir, satiété de douleur

Le goût, enfin, a recueilli ma fièvre pour un baiser aux réminiscences acides de citron sauvage
voilant d'or pur le fleuve de mes désirs
Ses lèvres avaient l'épaisse saveur de l'amour
Et je l'ai embrassé sans fin dans la pénombre des mots d'hiver
Ses lèvres étaient le sucre de l'enfance, poudrées de la glace des nostalgies, du sel de mon présent
Ses lèvres étaient morsure de la passion qui jamais ne se déprend, brûlure, hantise de l'autre

Imprescriptible épice sur mon chemin, le goût,
Cumin-muscade, poivre cannelle
En rehauts éclatants sur la façade blême de mes peurs


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