L'air égrennait ses caillots verts dans les éviers du ciel. Des odeurs pestilentielles circulaient parmi les étoiles délâbrées. Les nuages gommeux collaient aux parois de l'horizon. Le monde, aveugle, descendait au puits éteint de ses malheurs.

Un enfant arracha une poignée d'herbe cancéreuse et sélectionna quelques graminées roses, anémiques et défaillantes. Il souffla sur la gerbe à plusieurs reprises. Avec cette patience lente qui nourrit ceux et celles qui prennent la vie avant que la vie ne les prenne.

Imperceptiblement, les grains se transformèrent. Quelques tiges prirent le vif éclat d'une verdure nouvelle quand le printemps soigne à son meilleur
le clos du maraîcher ou la plaine des oiseaux.

Et la lumière triompha. L'enfant tenait, maintnant, un bouquet de feu vertical qui montait vers la coupole céleste.

Des caillots de sang se mutèrent en des ballons de fête. La poisse des nuages se commua en des ballots de laine et des boules de lin. Le soleil
dénoua son foulard de suie noire et se mit à tourner autour des arbres et des maisons.

Quand il revint chez-lui, ce soir-là, l'enfant eut toutes les excuses du monde pour justifier son retard. Mais ses parents, et les voisins, et le maire, et le curé, et le vendeur d'assurances et les commères officielles ne comprirent rien à ses propos. Il avait beau leur expliquer qu'il avait changé la face de l'univers que rien n'y fit.

L'enfant se coucha et tenta de dormir pendant que les grandes personnes, interloquées par des changements aussi imprévisibles que radicaux, discutaient de tous les avantages et inconvénients que leur apporterait ce nouveau monde.

Un jardinier, un sage, dormit heureux à la belle étoile en se disant: " Qui l'a cru s'y fie ! "