La chandelle

Le vieux forum: Autres auteurs: La chandelle
By Phileas (Phileas) on Unrecorded Date:

À une belle dame,

La chandelle


Je me souviens de ces soirs -et même parfois de ces jours- où m'illuminait ma longue et belle et mince chandelle, si différente à ces larges cierges rustres qui imprègnent, comme à une pellicule sur la rétine, l'odeur doux de l'encens et chaud des cendres, légèrement portée par cette fumée si subtile, si volatile, celle-là même qui plus tard rendra par mes poumons le triste reflet cendré de mes croyances d'enfants, celui-là même qui fut si sot de chercher un puits de lumière au fond d'une cruche.

Quand sa flamme rougeoyante -que j'allumais d'un rien car un rien ne l'enflamme- vacillait comme vacillent les ivrognes et les fous; se déhanchait, soyeuse toise, à l'air qui passe sans murmure, elle ombrait le mur derrière et déformait mon visage, le rendant éclatant et beau. Mais toujours à cette lumière qui fatigue, aux tréfonds de moi, se cachait le cœur. Sa propre chaleur, au fil et gré du temps, fondait lentement son corps ténu : la cire brûlante coulait puis bombait de froid, semblable à deux bombes mèches dressées, fumantes et rouges encore. Elle se posait, gracieuse et fière, sur un pied d'argent, deux pattes longues ainsi qu'une anse bien pauvre en ses courbures.

Voilà déjà, ma foi, plus de six fois que je vois sur moi s'éteindre ce feu, ses yeux de cendres mourir, ceux qui naguère coléraient, rageaient, écarlates et radieux. J'ai le regret profond et une grande amertume de devoir l'asséner d'un coup d'air doux mais malsain, puisqu'elle s'est d'ores et déjà trop consumée ; puisque le garder me tuerait pour sûr. Et même s'il faut un souffle pour survivre et un grand vent pour vivre vraiment, il suffit d'une brise pour s'éteindre. Lorsqu'elle agonise enfin, tison au bout d'une corde, je regarde, passif. Je regarde cette plaie qui, mourante, ternie et tourne au noir.

Que reste-t-il à celui qui aime une simple bougie ? On s'en moquait déjà : " Un maigre bout de cire blanche n'a ni tête ni cœur! Une frêle étincelle fait naître un bûcher qui nous calcine, nous tue. Brûle t'en encore, va, piètre, nigauds ! Cours vers ta flamme, nous soufflerons tes poussières ! " Eh bien me rappelant qu'au travers d'une flamme je vis difforme le monde, laid, et qu'il faut voir le monde affreux pour qu'il se montre meilleur, je rallumerai et ce monde et ce feu.

Patrice Tremblay

By Barbara (Barbara) on Unrecorded Date:

Quel étrange poème celui qui alterne l'espoir et le désespoir avec autant de facilité.
Ton poème est très visuel, j'en vois les couleurs même si le rythme parfois m'échappe.
J'accroche parfois sur des sens, sur des mots. J'en trouve la lecture difficile et cahotique mais c'est peut-être justement cette sensation qui crée l'ambiance.
Barbara


Ajouter un message


Ceci est une zone privée. Un identificateur et mot de passe valable est requis pour poster des messages dans cette discussion.
Identificateur:  
Mot de passe:
Poster "anonymement"

Administrator's Control Panel -- Board Moderators Only
Administer Page