Tm (Tm)
Identificateur : Tm
Inscrit: 1-2005
| Envoyé dimanche 12 février 2006 - 10h27: | |
"Voyager était autrefois une distraction pour eux [les oisifs libérés par les machines]; se tirer de la torpeur de chaque jour, voir d'autres climats, d'autres moeurs, donnait le change à cet ennemi qui leur pèse et les poursuit [l'ennui]. A présent, ils sont transportés avec une rapidité qui ne laisse rien voir; ils comptent les étapes par les stations de chemin de fer qui se ressemblent toutes; quand ils ont parcouru toute l'Europe, il semble qu'ils ne sont pas sortis de ces gares insipides qui paraissent les suivre partout comme leur oisiveté et leur incapacité de jouir. Les costumes, les usages variés, qu'ils allaient chercher au bout du monde, ils ne tarderont pas à les trouver semblables partout. Déjà l'Ottoman qui se promenait en robe et en pantoufles sous un ciel toujours riant, s'est emprisonné dans les ignobles habits de la prétendue civilisation: ils ont des vêtements serrés, comme dans les pays où l'air libre est un ennemi dont il faut se garantir; ils ont adopté ces couleurs monotones qui sont celles des peuples du Nord, qui vivent dans la boue et dans les frimas. Au lieu du spectacle du Bosphore riant sous le soleil et qu'ils contemplaient tranquillement, ils s'enferment dans de petites salles de spectacle pour y voir des vaudevilles français; vous retrouvez ces vaudevilles, ces journaux, TOUT CE BRUIT POUR RIEN, dans toutes les parties du monde, comme l'éternelle gare, avec ses cyclopes et ses sifflements sauvages." Eugène Delacroix, "Journal" (6 juin 1856) |