TM (Intervenant non inscrit)
| | Envoyé mercredi 24 novembre 2004 - 16h11: | |
Quatre oiseaux un jour se posèrent sur les branches d'un cerisier en fleurs. Ils regardaient quelqu'un d'un air apitoyé.
"Qu'as-tu 'tit?
-'Tit, qu'as-tu?
-Es-tu têtu, 'tit!
-Où as-tu la tête, 'tit!
-'Tit, souris!"
De la maison d'à côté sortait une très douce plainte. La jeune voisine, dans sa chambre que caressait le soleil, entrait en pâmoison en soupirant: "Qu'il me plaît, ce garçon! Et si gentil! Que n'ai-je ses bras autour de ma taille, sa tête à mes épaules, sa bouche... ses yeux..."
Et les oiseaux sifflaient gaiement:
"L'est là 'tit!
-L'est là, 'côté d'toi!
-'Tit, l'est là!"
Mais la voix retourna au silence.
Et lui, écartelé dans son jardin, souffrait atrocement, agrippé par la mort qui morcelait son coeur trop usé par l'immensité déserte de la solitude.
"R'garde, 'tit!
-L'ciel si bleu!
-Soleil qui s'couche!
-Autre jour, demain!
-Ta chance, 'tit!
-Tente-la!"
Mais il pleurait de lassitude, dévoré par le mal entré en lui. Il pensait ne plus jamais revoir les étoiles, ces ingrates. L'astre solaire, qui l'avait lacéré jusqu'au crépuscule, s'apprêtait, satisfait de son forfait, à disparaître sans scrupule.
Il gisait. Il n'avait plus d'ami. Il haletait, presque sans vie.
Alors les oiseaux quittèrent en choeur les branches et s'approchèrent de lui. Ils saisirent délicatement chacun dans ses petites pattes un coin de son âme trempée et s'envolèrent à tire-d'aile en la déployant, telle une voile, pour la sécher au zéphyr printanier.
Ils laissèrent ainsi le pauvre garçon assis par terre, qui les attend encore, sidéré. Depuis, on espère, prudemment, qu'il retrouvera un jour ses esprits.
En attendant, la voisine a déménagé. |