La splendeur de l'inutile Log Out | Thèmes | Recherche
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Abîmes poétiques : le forum » Vos textes (publication libre) » Archives : avril - septembre 2004 » La splendeur de l'inutile « précédent Suivant »

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Philippe Nollet
Envoyé lundi 20 septembre 2004 - 7h49:   

Un livre doit être rouge du sang de son auteur. Un autre sang que celui du lot commun : le sang du pauvre, du reclus, du banni magnifique. Un livre doit être une jument blessée avançant comme elle peut dans les sables mouvants. Ce critère doit être quintessentiel pour un écrivain. Même en France, et même de nos jours.

Pour quelqu'un comme moi, la France a quelque chose du Paradis perdu. C'est de ce sale petit pays faux-cul qu'il faut se débarrasser, et au plus vite ! L'irrévérence mystique qui est la mienne donne une bonne idée peut-être de ce que doit être un écrivain à notre époque, une bonne idée de la haine et du mépris qu'il inspire au tout-venant. Contre le béni-oui-ouisme général et cette aptitude qu'ont certains à toujours se trouver dans le bon angle, j'emploie la super-violence bien peu française et tellement slave dans sa volonté sacrificielle, comme pour conjurer l'adversité dans des grappes d'amour et des faisceaux de colère pure... C'est un des principes de ma rage métaphysique, et ça aboutit presque toujours à une transformation du verbe en chair meurtrie sur la page, la solennité même de l'acte d'écriture, sa grandeur exaltée et dévote touchant au rite barbare. Quelqu'un a dit quelque part que j'avais quelque chose de désespérément perdu pour le bon sens commun : il y aurait peut-être un livre à écrire sur le sujet. Comment ne pas pouvoir être "normal" et le vivre au quotidien. Car, réel ou imaginaire, mon personnage est un monstre. C'est par ce qu'il peut faire ou ne pas faire, dans son délire schizophrène et son impossible amour pour les causes perdues, que je laisse entrevoir sa très grande vulnérabilité. La foi en l'écriture décuple mes forces, c'est bien le seul moyen que j'ai trouvé pour pénétrer les cervelles et investir aussi les âmes... J'aimerais tant être ce confident noir, cet exemple ultime d'incorruptibilité incarnée, ce zélé de tous les combats pour la pureté d'intention, ce praticien de l'intransigeance...

Ecrire c'est faire se percuter le présent et le futur. Anticiper sur ce que sera ou ne sera jamais le lendemain. Parabole sur le temps, idée d'un avenir rattrapant son retard, d'un présent acculé à tous les futurs morts, l'écriture est toujours là pour attirer l'attention sur le temps qui passe, chaque allégorie en précède une autre et ainsi de suite... L'essentiel est de sacraliser ce moment. Le poète ne baisse pas les bras devant la logique implacable du temps. Oui, ça fait des vagues. Comme un rocher qui sépare les grandes eaux d'un fleuve...

Voilà comment on devrait tous écrire : dans le dénuement le plus cru et l'absence absolue de petitesse : absorbé par le rituel autant que par la mission assignée. Désintégrer les mots en une lente litanie ivre de flash-backs et de zooms-avant sur le futur, décomposer le temps en petits cubes glacés dans une messe suprême : une Messe des Morts en sursis. Une messe qui redonne au mot "fanatisme" toute son explicite signification, puisque l'écriture, l'écriture qui passe à l'acte, n'est que ça : un carnage de l'idée-reine, de l'OPINION, une explosion de sens dans des lieux saints désertés par le Père comme par le Fils de l'homme, l'amour des humains éclaboussant toutes les haines, toutes les avidités marchandes, le sang des fidèles inscrit dans la page...

Perdre le fil, c'est ce que je préfère, surtout dans un principe de narration... Je ne prends même pas la peine de chercher ce qui pourrait bien réunir harmonieusement ce chapelet de barbarismes. J'en ai parfois marre de puiser toujours dans le Larousse ou le Littré.

Tout écrivain qui évite l'insulte ou la transgression est un truqueur. Toute merde est bonne à foutre dans ce monde-ci. Un grand écrivain est toujours "anti", parce qu'il a compris que l'agression est la métaphore ultime. Un écrivain modéré, amoureux de son infect juste milieu, ou un journaliste, est très souvent "pro" - les "anti" et les "pro" constituent une personnification absolument fidèle de ce qu'il faut faire et ne pas faire avec un stylo. En faisant du mauvais journalisme, peut-être aura-t-on une chance de faire de la grande littérature, c'est-à-dire une littérature qui n'en est pas, enfin, pas dans ses plus mornes clichés. Et ça c'est un pari à la mesure du nouveau siècle : glisser entre les pages en sang un peu d'existence vraie et de saine mutinerie. Vous vous dites : encore un provocateur, un jusqu'auboutiste qui n'entendra jamais raison, un terroriste de la pensée multiple... Alors que c'est sur la page blanche que je me sens le plus irrémédiablement moi-même et parfaitement désintéressé... L'important n'est pas tant que je sois sans cesse armé d'un bazooka déguisé en plume rouge, mais que j'appartienne à cette lignée d'empoisonneurs irréductibles dont ni l'époque ni personne n'a plus besoin du tout. Réveiller les morts, empêcher les vivants de reposer en paix : bel acte de foi pour une ère cotonneuse... Pour rien, bien sûr. Car je suis là où l'apparence fait plus vrai que la réalité. Dans la splendeur de l'inutile.
M-C Escalier (Mariechristine)
Identificateur : Mariechristine

Inscrit: 12-2003
Envoyé lundi 20 septembre 2004 - 8h55:   

Cri du cœur


J’ai besoin d’air
d’envolées lyriques de passions exultantes d’enthousiasmes ou de désespoirs de cœurs qui éclatent sans se ménager de désirs de souffles qui vibrent dans l’espace.
J’étouffe
dans ce siècle intimiste d’un quotidien pauvrement familier tartiné de plaisirs minuscules de malheurs indigents et de haine ordinaire.
J’étouffe
de la terrible mièvrerie qui nous accable
sous ses couches d’ennui
de pâle dérision de détresses et de plaisirs comptés.
Sonnez le tocsin !
Voyez ! La vie se raréfie dans la joie comme dans la peine.
Sonnez le tocsin !
L’herbe des rêves est rase et les regrets fanés.
Faites battre les cloches pour qu’enfin lève un cri à laver la poussière tiède de nos esprits.
J’ai besoin
J’ai besoin de grandeur



MC.E
Philippe Nollet
Envoyé lundi 20 septembre 2004 - 12h35:   

Superbe contrepoint ! Il me semblait qu'il manquait quelque chose à mon texte, en l'écrivant, et c'était ce poème ! Merci pour ça...

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