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Abîmes poétiques : le forum » Vos textes (publication libre) » Archives juin 2006 - décembre 2006 » Monsieur Poète « précédent Suivant »

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jml (Intervenant non inscrit)
Envoyé mercredi 12 juillet 2006 - 7h15:   

(...)

Monsieur Poète avance à pas de loup. Il vient flairer la peau des aubépines, la terre qui accouche des morts. Il vient livrer ses rides au visage de la neige, son cœur aux écuelles. Monsieur Poète s’étire de la terre aux oiseaux. Il va les pieds sur terre, mains tendues vers le ciel. Il boit une coupe de vent à même l’horizon. Il voit la pauvreté, la misère et la vieillesse du monde. Monsieur Poète se pique aux ronces des mûriers, à l’oursin d’or du soleil. Il hume les étoiles, le train d’enfer du temps et ses rails rouillés. Il touche la blessure et son bouquet de tripes sous les hardes souillées. Monsieur Poète a peur. Monsieur Poète veut fuir mais les mots le retiennent.

La marguerite effeuille le printemps. La douleur reste intacte. Il n’y a que les pétales qui tombent. Le vent s’émeut dans la forêt d’aroles. L’abeille dans la fleur caresse le calice. Les pas recousent leurs souliers sans que change la route. Quand je caresse un arbre, il m’invite à entrer. Je me promène goutte à goutte, de racine en racine, de branche en branche, de feuille en feuille. Monsieur Poète est là qui colore les fruits. Il arrache des larmes au bois blanc de l’aubier, leurs blessures aux mésanges. Ses pas d’enfant distrait font frémir les feuilles.

Monsieur Poète est là, vivant de rêve, vivant de peu. Monsieur Poète est las. Le dos rêche des pierres lui lacère les pieds. Il croise Monsieur Famine sans une seule miette de pain. Le blé se couche dans ses mots sans trouver le soleil. Il tombe sur un os au cimetière des chiens. Monsieur Poète est nu comme une rose défaite. Il dévore la vie et crache les pépins. Monsieur Poète a mal, Monsieur Silence aux paupières cernées, Monsieur Rêve qui cherche le sommeil. Il ne sait plus son nom. Je lui offre ma main, ma faim d’aimer, ma soif d’amitié, ma ferveur en offrande. Monsieur Poète prend tout, ma parole, mes cris, jusqu’à ma pomme d’Adam.

Les mots forment un dessin dans l’air. Je m’y accroche comme d’autres aux outils. L’espace est creux sans les mots pour le dire. L’encens des cathédrales a l’odeur de la poudre. Monsieur Poète le sait qui ne croit qu’aux étoiles. Monsieur Poète laboure sur les os de la terre. Il a des yeux de chat et des ailes cachées, la voix d’une fontaine dans sa bosse de cancre. Il est dans la parole comme à deux doigts de vivre. Penché sur le monde par un trou de mémoire, il reprend à son compte le silex et le feu.

(...)
ailen (Ailen)
Identificateur : Ailen

Inscrit: 9-2001
Envoyé mercredi 12 juillet 2006 - 9h05:   

Monsieur Poète avance à pas de loup. Il vient flairer la peau des aubépines,
son loup à ses côtés ?
une aubépine te salue Jml ,
tu trouves toujours de nouvelles images pour ta bien aimée nature ,
ce que j'aime vraiment c'est que le soleil soit un oursin
un peu de verdeur dans ses rayons pour l'adoucir,une odeur de plage ça lui va si bien.
Nao (Nao)
Identificateur : Nao

Inscrit: 6-2004
Envoyé mercredi 12 juillet 2006 - 9h29:   

Bonjour JML,
Pour ma part j'ai toujours autant de plaisir à te lire
Tm (Tm)
Identificateur : Tm

Inscrit: 1-2005
Envoyé mercredi 12 juillet 2006 - 9h31:   

Monsieur Poète a la chance d'avoir croisé un secrétaire à la plume charmante.
André Carruzzo (Dreas)
Identificateur : Dreas

Inscrit: 1-2005
Envoyé mercredi 12 juillet 2006 - 14h24:   

Monsieur Poète veut fuir mais les mots le retiennent.
Quand je caresse un arbre, il m’invite à entrer.
Monsieur Poète est nu comme une rose défaite.
Monsieur Poète ne sait plus son nom.
Monsieur Poète a des ailes cachées.

Circuler à l’intérieur de ton texte crée une sorte de bien-être. Les cinq expressions que je cite sont mes haltes préférées, Monsieur Poète.
jml (Intervenant non inscrit)
Envoyé mercredi 12 juillet 2006 - 16h40:   

Monsieur Poète me prie de vous remercier.

(...)

Les arbres jouent aux feuilles avec les mésanges, sans roi de cœur, sans pique, sans trèfle. La source change de peau et les étangs se noient. Assis parmi les fleurs, sur le banc d’une phrase, je palabre au soleil, de corolles et d’abeilles. Monsieur Poète y est, morigénant les pierres, apostrophant les arbres, tendant sa main cagneuse vers le chant d’un moineau. Il s’entoure de traces, de livres, de racines. Son corps déchiré laisse passer le vent. Je lui offre ma peau, ma voix et les dessins d’oiseaux sur l’ardoise du ciel. Tout son visage brûle en prononçant les mots. Où l’homme baisse les bras, les mots ouvrent les yeux ?

En retenue au bord du monde, Monsieur Poète a croisé Douce Amère, Vague à l’Âme, Nadja. Il y eut des remous, des accalmies, des rires. Monsieur Poète est un mauvais élève, un cancre du réel. Il ne demande que la vie comme un arbre ou une pierre, un enfant d’homme ou d’animal. Il avance du même sang que son père, depuis la sève des racines jusqu’au vol des oiseaux, de la première amibe au hurlement des loups. Monsieur Poète est nu. Monsieur Poète est fou. Il parle aux étoiles le langage des pierres. De néant à néant, ses pas s’arc-boutent à l’espoir.

Monsieur Poète a soif. Monsieur Poète a faim. Les chiens de l’écriture viennent japper à sa porte. Monsieur Poète essore l’éponge des secondes. Il redresse d’un mot la casquette des pommiers. Il traverse la nuit en radeau de lumière, les ponts-levis de l’eau dans les châteaux de sable. Il réveille les murs avec des cris d’enfant, des galets, des sourires. Il tricote les feuilles avec le fil du vent. Monsieur Poète est l’idiot du village. Il n’a plus toute sa tête. Il a le cœur trop gros. Il cherche une poterne à l’autre bout du livre, une potence, une potiche, un puits. Il trouve des parenthèses comme des hanches à l’envers. Leurs rives s’élargissent sans retenir les vagues.

Monsieur Poète bredouille. Ses galéjades sont des galets de jade. Les rives sont des rêves. Les grèves de la mer sont des ailes de grive. Le oui d’un pas dessine l’oasis sur le non du désert. Monsieur Poète s’endort entre deux mots. Il rêve entre deux phrases. Il se réveille entre deux pages. Il ouvre du regard la fenêtre d’un livre. Je croise Monsieur Poète en regardant la mer, en semant des nuages, en arrosant l’espoir. Je croise Monsieur Poète dans le sommeil des fleurs, le grincement d’une porte ou le bruit d’une chaise. En collant mon oreille aux arbres, j’entends la sève se gratter et l’écorce s’ouvrir.

Monsieur Poète se griffe derrière l’oreille comme un chat sémantique. Le poil des voyelles se dresse sur sa peau de papier. Un oiseau vole dans les mots. Il est plein de voyages, de lignes d’horizon. Monsieur Poète baise la terre à l’endroit du pubis, au centre des racines, dans la fourrure du silence, dans le ventre des mots. Monsieur Poète bafouille. Il a mis sa chemise d’avoir sur son pantalon d’être et les virgules dépassent. Monsieur Poète pleure. Monsieur Poète dort mal. Il parle dans la nuit. Ses pupilles sont plongées dans la mémoire des reptiles. Une phrase dans son corps cherche à sortir de lui.

(...)

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