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Rienadire (Rienadire)
Identificateur : Rienadire

Inscrit: 2-2005
Envoyé mercredi 30 mars 2005 - 20h56:   

Le soleil n’avait pas fini de tomber derrière le château d’eau et Sam ne savait plus s’il était là pour quelque chose ou si c’était encore chez lui.
Il était complètement out depuis pas mal de temps. C’était le désert de tous les cotés, pas d’argent, plus d’amour et peu d’amis. Il survivait de rien et c’était peu. L’intenable s’était installé et ça ne pouvait plus durer. Il ne lui manquait qu’un peu de courage pour en finir, un peu de courage et une idée. En débarrassant un paquet de papiers qui encombraient le bureau, il tomba sur une enveloppe qui contenait un chéquier neuf. L’idée était là. Son compte présentait un débit conséquent mais qu’en avait il à faire maintenant. Il disposait de deux ou trois jours pour en profiter. Il termina la nuit à échafauder le plan de son départ et c’est en jubilant qu’il ouvrir sa dernière boite de sardines.
Le jour qui pointait le réveilla avec la fraîcheur qui entrait par la fenêtre ouverte .
Sam était maintenant sur de lui et la boite à café vide depuis trois jours ne lui arracha qu’un sourire. Son chéquier neuf dans la poche, il sortit dans la ville. Il entra au bar tabac, acheta trois paquets de ses cigarettes préférées –des Craven A – commanda un café et des croissants. Les journaux étalaient leur flot de sang et rien n’était drôle. La note était suffisante pour qu’il puisse régler par chèque. Il sortit et regardait maintenant les rues et les gens d’un œil détaché. Les zones piétonnières du centre ville étalaient le luxe de leurs boutiques. Sam considéra ses baskets hors d’âge et détailla la devanture d’un marchand de chaussures, il repéra un modèle en vitrine, des « Richelieu » dont le prix lui importait peu. Il ressortit chaussé de neuf et passa le reste de la journée dans des magasins de vêtement. Au soir, élégamment vêtu, il se trouva beau et s’offrit un repas somptueux dans un des meilleurs restaurants de la ville. Il était maintenant vingt-trois heures et Sam alla frapper à la porte de Bob, dealer de son état et trafiquant en tout genre. Il dut le convaincre d’accepter un chèque en échange d’une enveloppe d’herbe et d’une ordonnance vierge.
Il consacra la matinée suivante à quelques emplettes et dirigea ses pas vers la gare ; Peu lui importait la destination. Il prit un billet pour le train en partance. Il se dirigeait vers l’est. La ligne était omnibus, ce qui n’était pas pour déplaire à Sam. Il pouvait à loisir choisir l’endroit ou s’arrêter. Deux heures après, le train entra en gare de Romorantin. Petite ville qui lui sembla correspondre à ce qu’il cherchait. Rien au milieu de rien, la place de la gare comme une caricature. L’hôtel des voyageurs. Il ne pouvait trouver mieux. Il se présenta à la réception et prit une chambre qu’il déclara vouloir occuper quelques jours.
L’endroit était suranné, confortable et promettait d’être calme. Il dînerait ici. La fenêtre de la chambre donnait sur la place, vide à cette heure ci et probablement rarement encombrée. Il se roula un stik d’herbe et le fuma allongé sur le lit, rêvassant en attendant l’heure du dîner. Sam était parfaitement détendu et savourait l’instant. Depuis longtemps , il ne s’était senti aussi libre.
Il descendit peu avant vingt heures et commanda un martini au bar. Le patron, ce devait être le patron, la cinquantaine rougeaude, essaya d’engager la conversation. Oui , la chambre lui convenait, oui, il connaissait la région, non il n’était pas chasseur. A l’autre bout du comptoir, deux cravatés parlaient stratégie commerciale en buvant des pastis. Un couple âgé entra et se dirigea directement vers la salle du restaurant.
Sam avait faim et leur emboîtât le pas, le patron se concentrait sur son essuyage de verres.
La salle de restaurant aurait pu se contenter de sa sobriété rustique, mais, Sologne oblige, les murs s’ornaient de massacres de cerfs et de deux têtes de sangliers empaillés. Sam s’installa à une table qui écartait de son champ de vision à la fois une tête de sanglier et le couple cacochyme.
Une serveuse vint lui présenter le menu. Il en profita pour commander un autre martini et alluma une Craven. Pour être classique, le menu n’en était pas moins de bon aloi et la carte des vins ne déparait pas l’ensemble.
Sam se composa un repas simple qui tenait compte du terroir et qu’il accompagna d’une bouteille de Bourgueil. La daube de sanglier était un régal et il se retourna pour lever son verre à l’une des hures qui décorait la salle. Aucune musique d’ambiance ne perturbait le calme du lieu. Sam jubilait. Son escapade prenait une tournure inattendue qu’il aurait presque eu envie de poursuivre. Il fit l’impasse sur le plateau de fromages et se laissa tenter par une tarte tatin , puis un café et un vieux cognac dont il apprécia qu’il fut servi dans un beau grand verre. La soirée s’étirait doucement, le temps passait au ralenti. Le vieux couple sortit. Il resta seul un moment puis regagna sa chambre.
L’hôtel semblait vide, il faisait doux, tout était calme. Sam ouvrit son sac de voyage, en sortit une bouteille de bourbon et deux petites boites de carton, l’une marquée Tranxene et l’autre Noctran.
Le lit était confortable et pour une fois le verre de la brosse à dents de la salle de bain n’était pas en plastique. Il se servit une bonne rasade de Four Roses et roula un joint avec trois feuilles de Rizla plus comme à la belle époque.. Il n’avait pas encore remarqué la télé accrochée au coin d’un mur et n’eut aucune envie de pousser le bouton. Il but une bonne gorgée de Bourbon et alluma le pétard. Une délicieuse sensation s’instilla dans son corps et il s’allongea, son verre posé sur le ventre. Il était bien.
Il n’avait pas oublié le but de ce voyage, mais il dégustait l’instant, tout simplement. Il ouvrit ensuite les boites de médicaments sur la table de chevet, sortit six gellules de Tranxene 50 et deux cachets de Noctran. De quoi passer en douceur de l’autre côté du miroir lui avait assuré un ami médecin. Il goba les deux premiers Tranxene qu’il fit passer avec une bonne rasade d’alcool. Le joint grésillait à chaque aspiration, répandait son parfum à chaque bouffée.
Une douleur à l’index ramena Sam à la réalité, il avait du s’assoupir et le pétard, en continuant à se consumer, lui avait brûlé le doigt.
Son verre était vide. A longues goulées, il transforma en mégot son étrange cigarette et remplit son verre d’une main devenue maladroite. Il avala deux autres Tranxene.
Il y avait du bruit, d’abord diffus puis plus précis comme des coups frappés à une porte. Sam ouvrit péniblement les yeux. C’est à sa porte que l’on frappait avec insistance. Sa vision floue fit une mise au point sur ce qui l’entourait. Il était dans une chambre, sur un lit. Il était incapable du moindre mouvement et l’odeur qui lui montait aux narines lui confirma qu’il baignait dans son vomi.
Son deuxième réveil eut lieu dans une autre chambre, plutôt blanche et visiblement d’hôpital. Un jeune type était planté devant son lit et l’observait en souriant.

- Alors, raté le grand voyage ?

Sam se sentit minable et n’eut rien à répondre.
Tm (Tm)
Identificateur : Tm

Inscrit: 1-2005
Envoyé jeudi 31 mars 2005 - 13h16:   

Pas glop, l'histoire! Mais très bien racontée. Efficace et pudique, le style.
J'espère que Sam n'aura pas raté le grand voyage pour rien...
Par contre, moi, je dis: respect pour Romorantin! C'est une très charmante petite grande ville, très animée (trop à mon goût). Un lieu enchanteur, malgré le retour automnal des viandards. Mais, c'est vrai, on en a fait le symbole du trou!
Pourquoi ne pas publier ce genre de texte dans "nouvelles, romans, etc."? Je trouve bien peu fréquentée cette rubrique du forum.
Tm (Tm)
Identificateur : Tm

Inscrit: 1-2005
Envoyé vendredi 01 avril 2005 - 13h21:   

Je vois une morale implicite à ce qui pourrait être un véritable apologue, si justement tu rendais une morale accessible: c'est quand on accepte la mort que la vie devient supportable, parce que dédramatisée.
Qu'en penses-tu?
Je songe aussi à une courte nouvelle de R.-L.Stevenson: "Quand sombra le navire". On y parle de ce que vaut la vie face à son terme.
Rienadire (Rienadire)
Identificateur : Rienadire

Inscrit: 2-2005
Envoyé dimanche 03 avril 2005 - 16h11:   

j'ai oublié,pardonnez moi, de préciser que ce texte n'est pas de moi mais celui d'un ami.
Tm, je suis d'accord avec ta remarque et j'irai même plus loin en ceci que l'acceptation de la mort, non seulement rend la vie supportable, mais lui donne un sens.

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