André Carruzzo (Dreas)
Identificateur : Dreas
Inscrit: 1-2005
| | Envoyé vendredi 21 octobre 2005 - 11h39: | |
Lassitude
L'incurable tristesse, et qui ne peut jamais que croître, vient de penser à l'étrangeté originelle, intraitable et seulement aggravable avec la réflexion, des deux termes de toute relation en général, c'est-à-dire de tout ce qui est, que je me représente sur ce modèle: de l'amour constitutivement dissymétrique pour nos enfants et les enfants de nos enfants -« notre amour taciturne et toujours menacé ». Non qu'ils ne nous aiment pas, au contraire, mais notre vie dépend d'eux et non l'inverse: pas d'en retour possible. Telle est la fable du Même (ici l'amour) en lui-même divisé de sorte que seul l'oxymore (omnipotence paralysée) peut en dire l'insupportable tension, la « vie » intime déchirante, et c'est beaucoup plus fort qu'une « contradiction », et il n'y en a ni résolution, ni dépassement, ni relève. Seul l'oxymore, ou vérité logique - pensée se saisissant en verbe - procure, non pas un apaisement, mais une sorte de calme désolation: celle du mourant en paix avec le savoir .
Michel Deguy : AUX HEURES D’AFFLUENCE, p. 197 (Seuil, 1993) |