Charité et désintéressement Log Out | Thèmes | Recherche
Modérateurs | Fiche Personnelle

Abîmes poétiques : le forum » Tribune libre » Charité et désintéressement « précédent Suivant »

Auteur Message
Philippe Nollet
Envoyé samedi 28 août 2004 - 14h19:   

Que notre époque soit un euphémisme à elle seule, ce fait est entendu. Nommer les choses par leur nom est devenu une gageure, voire un miracle ! Ainsi la misère, qui fait vendre, comme n'importe quel autre produit médiatique et sociologique. Quand on n'ose plus appeler la misère par son nom, c'est qu'elle est déjà devenue une sorte de pauvreté récupérée. Récupérée en argument électoral , en sujet pour émission de télévision à thème, en ce que vous voudrez... Récupérée par qui ? Mais par le Capital bien sûr, celui qui règle l'addition chaque matin au lever : "Combien d'êtres potentiellement humains vais-je anéantir aujourd'hui ?". Tout individu ne serait par voie de conséquence de cet état de fait qu'un pion travaillant popur servir le dieu Pognon, on lui alloue une fonction, un statut social à la rigueur : Pion du Pognon. Déguisé en animateur télé, en vendeur de machines à laver ou en gendre parfait en quête d'une dot, le Pion du Pognon est chargé de contrôler le rendement des travailleurs de sa cause.

Tout pion du pognon est avant tout une marionnette plantée dans le champ de mines du Libéralisme. Dans son costume Gucci ce pantin a pour fonction épuratrice de faire peur aux différents parasites anti-consensus qui traînent par-ci par-là. Le plus ignoble peut-être de l'affaire, c'est que les ploucs nantis qui sont leurs maîtres nous les font passer pour de jeunes gens dynamiques et fers de lance d'une société évoluée et adulte alors qu'ils ne sont que des hommes de paille... A croire les professionnels de la charité publique, on vivrait dans un tiers ou un quart-monde à cause des "privilégiés" qui abusent ici comme dans toute l'europe des prestations sociales style RMI ou chômage - quel rapport ?

A dos de chameau et sans plus d'illusions mais bien solidement perchés sur leurs vaches sacrément pouilleuses, nos miséreux homologues hindous tiennent le coup par la grâce d'une profondeur divine qui est un prodige permanent, autant qu'un défi à nos régimes industriels tellement propres sur eux et "démocratisés"... Il n'y a guère de place chez eux pour la détestation de soi et l'auto-suffisance si bien entretenues chez nous.

Une aumône est un cercle de feu tout droit venu de l'attention voluptueuse de Dieu. En Europe chaque poste de télévision allumé sous la pression sociale est immédiatement recyclé en marchandise totalitaire. Le cynisme de notre société de loisirs est tel que la pauvreté est notre dernière chance de salut : l'Etat nous emploie à liquider les images de cette pauvreté à sa place ! Dans le pire des cas, il ne lui en coûte que le financement des Restos du Coeur et la gestion de la Loterie Nationale ! Ces Restos du Coeur qui ne sont devenus qu'une petite entreprise de démagogie supplémentaire dont l'illustre boss est mort par expiation comique de ses péchés dans le seul but d'être religieusement loué...

L'animateur télé est un nazi contemporain. C'est pourquoi on n'ouvre plus la télévision que systématiquement, par trouille du manque, par superstition, même plus par ennui mais comme pour conjurer le mauvais sort d'une existence de toute façon désolante en tous points. L'animateur télé est plus intégré que quiconque au corps social qui feint de l'avoir accepté : ceux qui tiennent les rênes du grand bouillonnement médiatique ont réussi à installer l'assistanat télévisuel mieux et plus durablement qu'une dictature sud-américaine. Seul et unique moteur de vie : fabriquer des animateurs télé comme on clone des monstres à tout faire... On rend le peuple responsable de tous les maux supposés et coupable de ne pas se préoccuper exclusivement de ses seules fonctions physiologiques. Nous devrions tous être des tubes digestifs à nourrir, des cerveaux à ramollir, ou ne pas être ! Bouffer, regarder la télévision et dormir, c'est-à-dire être en forme et absolument déconnecté de sa réalité intime pour obéir à son patron (quand on en a un)... La prise en charge "culturelle" du téléspectateur de base est l'ultime et plus sûre manière de dépouiller l'individu de sa dimension métaphysique, de lui faire avaler son âme comme une soupe trop froide en lui faisant croire qu'il est un rouage essentiel de la comédie en train de se jouer, et de le pousser à l'échafaud en lui mettant bien dans la tête qu'il y gagnera au change.

Tout le monde a intérêt à se laisser fusiller de la sorte par la toile d'araignée de faux bons sentiments qu'est la charité. Le rôle des animateurs télé est considérable et la commisération faux-cul dont ils sont les porteurs est si répugnante qu'un jour même les myopathes finiront par leur cracher à la gueule.

Le harcèlement social est encore plus menaçant, plus insidieux et meurtrier que le harcèlement sexuel. Du métro, on passe à l'entreprise, puis à l'ANPE, puis à la télévision pour finir en charogne phagocytée par des jeunes loups au sourire carnassier et au bronzage nickel... Les casse-couilles sont partout. On en vient à regretter le temps des Pravdas et de la désinformation à la prussienne : au moins ils ne nous faisaient pas avaler des couleuvres et abattaient clairement leurs cartes ! Pas de gentillesse assassine ! Pas de leçon de morale ! Aujourd'hui, tout le monde est de bonne volonté : c'est le totalitarisme de la Nunucherie. Nous y sommes. Tous nunuches. La nunucherie milicienne creuse des trous béants dans nos consciences. Je ne vois autour de moi que des mous invertébrés qui s'effondrent au moindre paradoxe. Ils ne sont à leur affaire que dans la culpabilisation. L'économie marchande utilise la charité et la bonne conscience comme des armes de dissuasion massives prêtes à anéantir l'individu...

L'euro à ce titre a énormément oeuvré contre le désintéressement, ça a été l'eldorado des pouvoirs politiques de la fin du XXème : encore une manière infaillible de rendre le fric de plus en plus abstrait, d'en faire un vague symbole virtuel dont Internet serait le pendant idéal... C'est que, pour mieux trafiquer le réel, le Capital a besoin d'escamoter le fric proprement dit, de le nier par réflexe négationniste - c'en est un à plus d'un titre, aussi dangereux que les autres... Le sang du pauvre ne doit plus être rouge ni couler de ses veines ouvertes aux quatre vents.

Les crapules du communisme d'Etat ont tout fait pour convaincre les chômeurs qu'ils avaient perdu leur honneur et leur dignité en même temps que leur travail. Comme si l'honneur et la dignité se résumaient à bosser pour eux ! Mépris le plus hautain, arrogance sans nom, incompétence analytique ! Le seul travail qui compte est celui sur soi-même, la répartition des richesses d'un pays est avant tout un credo des riches et, pour la mettre en place et la boulonner sur son socle, il faut attirer le pauvre sur le terrain de la bonne volonté et l'y souder solidement. Vouloir que tous les hommes soient égaux devant la grande élite économique relève de l'imposture pure et simple. La dictature démocratique règne plus que jamais, et la politique de charité est son fondement ; la télévision est son élément de propagande et d'anéantissement. Le travail, on n'en veut plus. On en a fait le tour, depuis le temps ! Le travail est grotesque, passé de mode. Il est temps de s'en passer. En cette époque de consensus obligatoire où l'imagination a été mise au rencard par le libéralisme de gauche, c'est par la suppression du travail qu'on reviendra à l'individu.

Message:
Identificateur : Information d'envoi:
Cet espace est réservé. Seuls les utilisateurs inscrits et les modérateurs peuvent y écrire des messages.
Mot de passe :
Options: Code HTML non valide dans un message
Activation automatique d'URL dans un message
Envoyer:

Thèmes | Depuis hier | La semaine dernière | Vue d'ensemble | Recherche | Aide - Guide | Crédits programme Administration