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André Carruzzo (Dreas)
Identificateur : Dreas

Inscrit: 1-2005
Envoyé mardi 10 juillet 2007 - 14h41:   

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Le débat sur l’évolution n’en finit pas, non plus que la confrontation de la théorie avec les Textes. Pour le comprendre, il faut d’abord revenir en arrière.
Au IVème siècle avant J.-C., Aristote se promène sur les bords du Nil. Il voit des couches de limon se déposer, incluant des coquilles: cela lui rappelle des choses vues ailleurs mais, pour lui, « non est in intellectu quod non prior in sensu » ...et tout tombe dans un morne oubli.
Arrivent deux précurseurs.
D'abord, Albert le Grand: théologien, évêque de Ratisbonne, nommé pro-fesseur en Sorbonne en 1240, il constate la présence, dans le Bassin-Parisien, de "coquilles" d'animaux marins, dans des couches différentes, ayant l'air de se succéder en changeant de forme. Il est le véritable fondateur de la filière d'hommes d'Eglise: Saint Thomas d'Aquin, l'Abbé Breuil, le Père Theillard, Mendel (qui était moine et qui inventa la génétique), etc.

Ensuite, Bernard Palissy, le père de la filière laïque: il collectionne les coquilles du Bassin-Parisien sous le nom de "rustiques figurines" et il a le courage de soutenir que ces "fossiles" avaient été des êtres vivants.
Plus tard, les verdicts tombent: Thomas d'Aquin, qui avait dit sensiblement la même chose, est canonisé. Bernard Palissy, emprisonné à la Bastille en 1575 pour protestantisme, y meurt en 1590, année où s'éteint, à Rome, Sixte Quint. Pape, « Protecteur des Sciences et des Lettres », grand collectionneur de minéraux, fossiles et silex taillés, il s'adjoint comme « Jardinier du Vatican » (!) Mercati, docteur en médecine et en philosophie. De leur complicité naît Metallotheca vaticana mais Mercati meurt en 1593 et l'encyclique attendra cent vingt-quatre ans l'imprimatur.
A sa publication, en 1717, Georges Louis Leclerc, Comte de Buffon, a dix ans. Il entre au Collège des Jésuites à Dijon et, en 1739, il devient... Jardinier du Roi ! Ce "grand plumassier" (comme l'appelaient ses jaloux) donne - semble-t-il - le vrai coup d'envoi à la science de l'évolution des formes visibles. Comte, bien vu en cour, Jardinier du Roi, il ne risque ni le bûcher ni la Bastille.
En 1749, il écrit: « Les espèces les moins parfaites, les plus délicates, les plus pesantes (...) ont déjà disparu ou disparaîtront avec le temps... » Homme de cour, génial, mais diplomate, il cherche à concilier deux lectures, celle des Textes et celle des événements.
Après lui, d'autres savants vont s'engouffrer dans la brèche.
Lamarck met un nom, le "transformisme" , sur le procédé de la sélection décrite par Buffon: c'est à force d'essayer de brouter les branches des arbres que la girafe « s’est monté le cou ».
Cuvier tonitrue du haut de sa chaire, soutient que l'évolution fait n'importe quoi, porte le nombre des déluges à sept, puis à vingt-sept !
Pendant plus d'un siècle, Darwin va bloquer la pensée du monde scientifique. Il connaît par cœur Lamarck et Cuvier, il en fait la synthèse, ajoute la notion de "lutte pour la vie" et, prenant comme critère de réussite la survie, il énonce son dogme: seul survit celui qui s'est adapté, car l'adaptation est la condition de la survie.
Il faudra plus d'un siècle pour que la pensée scientifique se remette de cette tautologie mais, en 1859, Darwin répète ce qu'avait dit Buffon: les espèces "pesantes" ont été noyées dans les eaux du déluge.

Fermons les livres, ouvrons le Livre, où on lit: " Yahvé dit à Noé: Pour moi, je vais amener le Déluge, les Eaux, sur la Terre, pour exterminer (...) toute chair ayant souffle de vie. " (Gn 6, 17.)
Pas un seul survivant au niveau de la chair ayant souffle de vie mais, au verset 19 : " De tout ce qui vit, de tout ce qui est chair, tu feras entrer dans l'Arche deux de chaque espèce pour les garder en vie avec toi..." et, plus loin: "De tous les animaux purs, tu prendras sept paires, (...) des animaux qui ne sont pas purs tu prendras un couple... Et aussi des oiseaux du ciel, sept paires (...) pour perpétuer la race sur toute la terre..." (Gn 7,2.)
Alors, on se pose innocemment une question: tout étant exterminé par le déluge de Yahvé et tout étant "perpétué" par l'arche que Noé a construite sur ordre de Yahvé, qu'est-ce qui, au juste, a péri dans la noyade ?
La seule réponse que l'on puisse faire avec certitude est que ce n'est pas la forme visible de l'animal car, tels qu'ils sont "montés dans l'Arche" (chapitres 6 et 7), tels ils sont redescendus (chapitre 8, verset 17) : "Tous les animaux qui sont avec toi, tout ce qui est chair, oiseaux, bestiaux (...) fais-les sortir avec toi."
De toute évidence, il n'y a aucune relation à faire entre "ce qui aurait disparu dans les eaux du Déluge de Yahvé" et ces os, ces dents, ces coquilles d'animaux que les paléontologistes trouvent par-ci, par-là.
Eve, arche, Noé, déluge: voilà des mots que tout le monde connaît dès le berceau et qui sont donc le moyen le plus sûr d'être immédiatement incompris !
"Et là, confondons leur langage pour qu'ils ne s'entendent plus les uns les autres (...) aussi, la nomma-t-on Babel. " (Gn 11,7.)

La parole est aux exégètes.
L'arche est faite avec du bois résineux, du roseau et du bitume: trois cents coudées de longueur, cinquante de largeur, trente de hauteur. Au siècle dernier, la grande passion des scientifiques et des ingénieurs ayant du temps à perdre était de faire des calculs: si l'arche était un bateau, il aurait dû mesurer quelques départements français en longueur et en largeur, et quelques tours Eiffel en hauteur...
Arche, qu'André Chouraqui traduit par "caisse", pourrait également, d'après certains exégètes, être traduit par "mot".
Yahvé aurait-il demandé à Noé de "mettre dans un mot" toutes ses créatures ?
Le deuxième père de l'humanité aurait-il donc été chargé de remettre dans le "mot" ce que le premier père y avait déjà mis (cf. Gn 2,19sq.), le reste étant impitoyablement noyé dans les Eaux ?
Le moindre doute n'existe plus: le Livre d'une part et les livres d'autre part. Ils n’ont jamais parlé de la même chose.
Alors, pourquoi employer les mêmes mots ? N'est-ce pas le meilleur moyen d'engendrer des conflits ?
Ah ! oui, c'est vrai: Babel.
_____

Jean-François FROGER & Jean-Pierre DURAND : LE BESTIAIRE DE LA BIBLE (Ed. DésIris, 1994)
Chap. 3 : ARCHE-TYPE

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