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K3
Envoyé vendredi 19 novembre 2004 - 15h47:   

Paris, 2 mars 2O10, 17h.
Les écrans des téléscripteurs s'animent sans crier gare. Une déclaration vient de tomber des étoiles: le Conseil Intergalactique de la planète Sophi8 a tranché. Ils ont accepté! On envoie sur Terre le plus doué de leurs Sherlock Holmes. Un certain... comment se nomme-t-il au fait? Son nom doit être imprononçable pour des larynx humains. Ici, on l'appelle "Xen" et on l'attend impatiemment. On aurait pu l'appeler Xtra, mais ça fait un peu lessive! Justement: on a du linge sale à laver, nous autres Terriens. Et puisque on est dans les racines grecques, on est allé chercher un fier mot pour désigner sa fonction qui, chez nous, n'a pas d'équivalent: ni commissaire, ni détective, ni juge, ni gendarme, ni devin! HERMENEUTE, voilà comment il convient de le qualifier, notre Rouletabille de là-haut... Sidérant!

Alors, je me suis mis à rédiger à toute vitesse mon article: on boucle à 19h, il faut faire fissa! Le rédacteur en chef, gros homme à cravate jaune, lunettes crasseuses et cigare-qui-pue, s'est penché un moment au-dessus de mon épaule:
"Dis donc, coco, c'est quoi, ce style? C'est à la mère Denis que tu causes? Je te rappelle que tu écris un article pour Le Monde Planétaire, pas une page de roman noir, vu? Réécris-moi ça!"

C'est comme ça! Je ne peux pas faire le malin: un jeune journaliste doit faire ses preuves sur "la grand'mare des canards"! Je suis autorisé à signer mes articles: B.Scopoumen. Mais il n'y a qu'un an que je plume l'actualité. J'ai donc obtempéré.

19h. Les typographes se mettent au travail. Les rotatives vont bon train. Demain, ils seront des milliards, sur ce gros caillou bleu, à se précipiter chez les marchands de journaux. Titres colossaux à la une: "L'inspecteur Alien parmi nous", "Le Nestor burlesque", "E.T. rendra-t-il raison?", j'en passe et des pires.
Moi, puisque la mère Denis ne me lit pas, j'ai choisi tout platement: "L'enquêteur venu d'ailleurs". J'ai simplement (si j'ose dire) décrit ce que j'ai vu: l'arrivée du monstre sacré dans son drôle de véhicule, ce qui n'est rien d'autre qu'un atterrissage, après tout. En voici un extrait, à paraître ce soir:

"Alors même que les badauds s'amassaient dans le plus grand désordre, l'enquêteur sophoctain s'est manifesté à ses hôtes terriens, très impatients. En effet, une voix suraiguë a jailli du néant pour enjoindre à la foule de laisser libre un périmètre précis "à l'intérieur duquel tout accident n'engageait que la responsabilité de l'accidenté". Puis, l'aire d'arrivée dégagée manu militari, , l'endroit s'est trouvé brutalement irradié et c'est une sorte de grosse boîte lumiscente qui s'est matérialisée..."
Un régal, la prose journalistique!

N'empêche: j'y étais.
"Monsieur l'Extraterrestre, soyez le bienvenu!" a proclamé le représentant du Conseil des Polices. Et, comme on ne répondait rien, il s'est répété en pure perte. Alors:
"Prière de patienter. Matérialisation en cours."
Une porte s'est enfin ouverte. La voix a pris un timbre plus précis, un ton incisif:
"La téléportation n'est pas mince affaire, voyez-vous. Si vous tenez à ce que je répare vos bourdes, il faudra attendre que je remette soigneusement mes molécules en place, ne vous en déplaise."
Le ton était donné. Si vous aviez vu la tête de Môssieu le Représentant! Rouge de confusion. Parmi les curieux, les rires fusaient qui dégénérèrent en pétarades et en sifflets. A côté de moi:
"Ah! l'est pas pressé, le pèpère vert! Ca doit être cool, chez lui!"
Misère! me suis-je dit. Qu'est-ce que c'est que cet énergumène d'extraterrien?
Et puis on nous a fait reculer et je l'ai vu qui parvenait à s'extirper de son dressing spatial, l'herméneute. Je me demandais: un clown à huit pattes? un gros pâté à tentacules? un Mickey doué du sixième sens?... Eh bien non. J'ai dévisagé -oui: dévisagé- une sorte de grande face lunaire alourdie d'un front immense, le teint terreux, sans cheveu. Bien sûr, il a trop de mains et ne sait pas trop où poser ses petits pieds sur notre sol rugueux. Il s'empêtre dans une pesanteur qui lui est étrangère, c'est évident. Mais le lourd bonhomme qui s'est présenté à nous, plus ou moins atiffé à notre mode occidentale, m'a paru si digne, lui dont on s'attendait à pouffer tous ensemble, il m'a semblé si atterré de notre propre laideur, si éloigné de notre goguenardise beaufiste que j'en ai eu la larme à l'oeil.
"Mon pauvre! ai-je eu envie de lui glisser à... l'oreille. Retourne donc chez toi, dans ton monde lisse et pur! Que viens-tu faire ici, au milieu de ces imbéciles?"
Et puis quoi? Qu'est-ce qui me prenait? Pourquoi ressentais-je tout à coup une telle sympathie pour cet être? Etait-ce parce que je le savais d'une intelligence supérieure à la nôtre? Ou bien parce que là-haut, sur Sophi8, ils avaient bâti une véritable utopie, un monde réputé harmonieux? Je me sentais un peu cloporte, dans notre gourbi au douteux avenir. Peut-être une sourde rancune contre ces milliards de Terriens, tous plus fous les uns que les autres!
Par-dessus tout, une chose était sûre: cette sombre affaire qui paralysait la police, crime d'Etat ou délire de savant, me passionnait autant qu'elle m'horrifiait: ce pauvre jeune homme et sa "clonette" (comme disent nos très respectueux journalistes)...
Mais j'en parlerai plus tard.
J'ai observé encore un peu l'oeil humide de Xen en me demandant si, dans mon article du soir, j'allais parler d'un extrasage ou d'un surexpert? et tout à coup, comme j'étais assez près de lui (les journalistes ayant leur place réservée), son regard a croisé le mien. C'était comme si j'avais capté un message! Une sorte de miaulement désespéré: sortez-moi de ce foutoir! Ce fut comme des ultrasons. De rares cerveaux ont dû entendre.
Alors, oui. J'ai pris ma décision. Je suis rentré dans les locaux de la rédaction, j'ai pondu mon article et j'ai démissionné.
Marre de monter les choses en épingle et de jeter les gens en pâture au peuple pour mieux
l'abêtir!
Je veux faire ma contre-enquête moi-même. En même temps et aux côtés de ce Xen. Si je sais l'approcher et gagner sa confiance, sans doute m'enrichirai-je en savoir, sinon en sagesse. Dans le cas contraire, on ne me la fera pas. Ce sera mon scoop à moi, celui de ma vie.
Et comme il faut bien la gagner, sa vie, ici-bas, j'imagine que j'en ferai quelque chose comme un livre.

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