Journalisme et communication Log Out | Thèmes | Recherche
Modérateurs | Fiche Personnelle

Abîmes poétiques : le forum » Tribune libre » Journalisme et communication « précédent Suivant »

Auteur Message
Philippe Nollet
Envoyé mercredi 25 août 2004 - 11h03:   

Je hais le journalisme. Je m'y soumets pour raison de santé. C'est que d'un point de vue physique, presque cardiaque, je ne suis pas en mesure de supporter plus longtemps la rage inouïe qui stagne et bouillonne dans mon buste de blanc-bec furibard. J'espère dans cet article me décharger d'une virulence dont tout site poétique ou littéraire est dépourvu en ces temps de platitude ignoble. Echange de bons procédés ou assistance à forum en danger : les destinataires de ce billet doux jugeront sur pièces. On crève d'une carence polémique ici. Mais je ne suis pas un polémiste : je suis un boxeur. Fébrile bouille d'ange à lunettes en privé, je pratique sur le papier les mortiers lourds de l'art noble. Mes coups seront bas et tomberont de haut. Je parlerai de ce que je connais mais aussi de ce que je ne connais pas, car j'emmerde l'objectivité. Je crois qu'il est temps de donner le coup de grâce à ces forums tiédasses, impudents et puérils. Il leur faut des cinglés comme moi pour achever dans le sang cet écran maudit avec ses robots bien dans la ligne trois fois par jour dégueulant leur avalanche de poncifs et de lieux communs, de boursouflures et de conneries à tombeau ouvert sur les cervelles fripées de centaines de sous-cons.

Il faut écrire, et plus que jamais. Je suis ce mec qui écrit. Il n'est pas très difficile de se sentir seul dans un tel terrain vague de prudence et de modération, sous un ciel étoilé de merdes rutilantes...Au nom de quoi parlerais-je ? La liste serait trop longue de ces ours hirsutes et incendiés qui ont mis leurs griffes féroces au service de topics mous. Je suis une espèce d'ambassadeur de cette colonie perdue que les faux écrivains et les vrais journalistes osent toiser dégueulassement. J'ai la nostalgie de croire que j'ai l'âge d'être celui-là. Mon tempérament m'y pousse. Si je parle, c'est que je ne m'accorde aucun droit, mais tous les devoirs de représenter une ethnie en voie de disparition.

Mes livres sont perpétuellement en chantier : je suis un écrivain. Hélas, on ne peut pas sortir un livre par semaine, et c'est ce qui me faudrait à moi pour apaiser ma frénésie. La saleté repoussante des forums est une aubaine non négligeable pour un affamé de mon espèce : si je peux y foutre la merde le plus souvent possible en attendant les sorties de mes bouquins farouches, je serai heureux - c'est-à-dire plus profondément assuré de faire mousser mon grand malheur. Les forums, pour un écrivain prolifique, c'est la publication spontanée. Je ne trouve rien de plus stimulant que d'être lu à peine sec. Et puis la haine de tout ne doit surtout pas rester confidentielle... Attila a besoin d'espace.

Sortons un peu et observons le monde. Amen. C'est un fac-similé de communication que mettent à notre disposition les radios, les écrans et le net même, dégueulant leurs conneries faussement importantes, leurs informations démesurées en cataclysmes, leur arrogante "nécessité", leurs exclusivités grotesques, dans un fébrile halètement, une inadmissible dictature de la prise de conscience, le remerciement de notre attention avec le fusil dans le dos, et le mauvais goût à outrance, la mesquinerie de l'image, sa mièvrerie, son naturalisme abject et sa très haute laideur foncière, ses découpages et ses montages qui assassinent peu à peu tous les regards.

Les hommes singent leur propre image. Le vrai singe, c'est son reflet dans la glace. Chacun vit son grand reportage. Tout le monde est en direct. On respire en édition spéciale. Le soir en se couchant on fait le rappel des titres. On se lance des flashes cinq fois par jour. On ne s'invite plus à dîner, on s'interviewe. On croit se parler et on ne se dit rien. C'est l'époque où les journalistes se prennent pour des êtres humains, pour des talents, des "artistes" presque, alors qu'ils ne sont que de tristes robots, parfaitement inutiles, des minuscules assassins anodins, des petites frappes glaciales qui débitent leurs chiens écrasés, l'oeil liquide et la voix enrouée... Le Journal antitélévisé est dans les forums ! Ici ! Vite !

Il faudrait passer sa vie à essayer de rattraper le monde : et celui qui y parviendrait n'y pourrait rien changer lui-même. Alors ? Rien à foutre ! Mais un gros, un immense "Rien à Foutre" débordant d'amour et dégoulinant de haine de ce consensus désolant ! Penser que Le Pen et Jospin, c'est pareil ! Que l'idéologie publicitaire dominante, c'est Hitler ! Et se dire que ça en devient presque risible : tous les jours des massacres, des catastrophes, des bouleversements, des morts et des guerres et de la connerie tartinée à perte de vue... La planète a les jetons, mais c'est pas encore mûr d'après moi : dans dix ans ! Le vrai bordel va commencer dans dix ans ! Là ça va grincer... Le nouveau siècle est déjà dépassé. Dépassé par un effroi bizarre dont tout le monde a peur et qui est virtuellement son propre "retard" ! Le début du 21ème siècle n'est pas à la hauteur de la fin du 20ème, et cet écart l'impressionne, comme une petite fille qui perd les pédales et qui ne sait plus à qui se donner...
M-C Escalier (Mariechristine)
Identificateur : Mariechristine

Inscrit: 12-2003
Envoyé mercredi 25 août 2004 - 11h49:   

Je hais le journalisme
Dans mes bras, mon frère !

Cela dit, Penser que Le Pen et Jospin, c'est pareil ! [...] Et se dire que ça en devient presque risible, c'est une pensée de journaliste, ça, en tout cas de médiateux.
La dérision est le fléau de notre temps et les journaleux y sont pour beaucoup.
philippe nollet
Envoyé mercredi 25 août 2004 - 17h15:   

Je réitère : "Médiatiquement", Jospin et Le Pen c'est pareil, et aussi nocifs l'un que l'autre dans l'utilisation qui est faite de l'image à l'usage des masses - même si je déteste les idées nazilonnes de l'un, et même si l'austère application de l'autre m'indiffère quelque peu...

La dérision est la plaie de l'époque, nous sommes au moins d'accord là-dessus...

Mais ce texte n'était pas supposé avoir une portée "idéologique" ni même "théorique" ; il faut le lire comme il a été écrit, c'est-à-dire n'explorer que sa veine littéraire.
Mon credo serait plus : "on ne fait pas de grande littérature avec des bons sentiments" que "je veux relater ce que je pense en toute objectivité".
M-C Escalier (Mariechristine)
Identificateur : Mariechristine

Inscrit: 12-2003
Envoyé mercredi 25 août 2004 - 20h38:   

Mais ce texte n'était pas supposé avoir une portée "idéologique" ni même "théorique" ; il faut le lire comme il a été écrit, c'est-à-dire n'explorer que sa veine littéraire

Toute expression n'a-t-elle pas aussi une portée idéologique ? A plus forte raison un texte comme le tien dont le propos est polémique, qu'il s'agisse de dénoncer certaines attitudes socio-politiques ou de stigmatiser les postures de l'homme de masse.

S'il ne faut pas confondre entre ce que dit un texte et ce que pense son auteur, le texte lui-même n'en porte pas moins un discours qu'il est légitime de relever tout autant que ses qualités formelles.

Quant à ne pas faire de grande littérature avec de bons sentiments, je dirais que les 2 sont indépendants l'un de l'autre. A mon sens, il n'y a ni nécessité ni incompatibilité dans leurs rapports. La grande et la mauvaise littérature utilisent souvent les mêmes ingrédients ; c'est la préparation qui fait la différence.
Philippe Nollet
Envoyé mercredi 01 septembre 2004 - 17h55:   

... c'est pourquoi cette préparation doit nécessairement faire l'impasse sur une idéologie trop marquée, dans "idéologie" il y a "idée". Avoir des idées c'est profondément vulgaire (en littérature, sans quoi on parle d'essais, de rhétorique, etc...); seule la pensée donne sa matière première à l'écrivain (c'est MON avis, je ne vais pas le rappeler à chaque fois).

Le pamphlet (mes textes n'en sont pas à proprement parler, il n'y a pas de finalité en eux, pas de but recherché, pas de réel développement non plus) demande une rigueur absolue, presque mathématique, que je n'ai pas et me fiche d'avoir. Et même m'inscrivant dans la polémique je fais de la littérature, je dirais même : un travail poétique à part entière... Bon ou mauvais, ce n'est pas à moi de juger, mais pas idéologique en tout cas : l'idéologie demande une certaine objectivité, même "à rebours".
M-C Escalier (Mariechristine)
Identificateur : Mariechristine

Inscrit: 12-2003
Envoyé mercredi 01 septembre 2004 - 23h43:   

Veux-tu dire que le pamphlet n'est pas un genre littéraire ? Que dis-tu alors des pamphlets de Céline - dont le contenu, il est toujours bon de le répéter, est à vomir au sens propre du terme - mais qui n'en sont pas moins littérairement parlant de belles partitions.
Si ses pamphlets sont d'une grande et triste cohérence idéologique, il me semble difficile de parler à leur sujet de rigueur mathématique, c'est très très éloigné du style en question, pour le moins échevelé
Philippe Nollet
Envoyé jeudi 02 septembre 2004 - 7h18:   

Vrai à 95 % pour Céline (je vois que tu es coriace, c'est stimulant - ceci dit sans ironie).

Je ne te ferai pas le coup de "l'exception qui confirme la règle" mais Céline c'est plus proche du coup de gueule primal que de la diatribe élaborée. Mais oui, dans les grandes lignes, je pense que tu as raison... Chacun son point de vue.
Merci en tout cas de l'échange...
Wizardeol (Wizardeol)
Identificateur : Wizardeol

Inscrit: 9-2004
Envoyé jeudi 21 octobre 2004 - 12h52:   

"Nietzsche avait dit "encore un siècle de journalisme et tous les mots pueront",il avait bien raison...

Message:
Identificateur : Information d'envoi:
Cet espace est réservé. Seuls les utilisateurs inscrits et les modérateurs peuvent y écrire des messages.
Mot de passe :
Options: Code HTML non valide dans un message
Activation automatique d'URL dans un message
Envoyer:

Thèmes | Depuis hier | La semaine dernière | Vue d'ensemble | Recherche | Aide - Guide | Crédits programme Administration