La femme agenouillée (extraits) Log Out | Thèmes | Recherche
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Philippe NOLLET
Envoyé lundi 26 juillet 2004 - 11h05:   

La femme agenouillée prouve qu'on peut être religieux sans croire en qui que ce soit. Tomber d'adoration à ses pieds et en faire un objet d'extase. L'évanouissement de bonheur aux pieds d'une femme qui s'agenouille est le seul aboutissement raisonnable des hommes de ce siècle. L'issue divine et la religiosité d'une foi privée d'un dieu, de l'idée même d'un dieu quelconque ! La femme agenouillée se laisse prendre avec une béatitude et un ravissement de tous les diables divins...

Il n'y a rien de plus pur et de plus exaltant que la femme agenouillée. Ses seins nus et son dos immaculé sont le comble de l'élégance vestimentaire. La femme agenouillée est ce kaléidoscope aux mille pensées qui rassemble dans une seule position tous les désirs de sainteté de l'homme. On ne se sent chez soi qu'en elle, dans son super-nid douillet habillé de mysticisme moite, son sarcophage de soie planqué sous les jupes...

La femme agenouillée sait qu'elle fait bander les hommes sans le savoir. On se délecte de l'observer sans la toucher. Sa sainteté explose incontestablement, au même titre que son vice le plus noir. Elle creuse dans son utérus des îlots sacrés, des grottes brûlantes à partouzes de rêve. Elle est l'instrument à cordes idéal de la gamme des sentiments : chaque accord est juste, et ne sonne qu'au toucher du bout des doigts. C'est délicieux de se sentir pétri dans cette chape d'or fin ! Le plus beau et le plus remuant dans ce tendre esquif serviable, c'est sa capacité à tout absorber, les cerveaux et les ventres, et les âmes pourquoi pas... La femme agenouillée c'est saint Antoine aux enfers, les ongles de la main gauche de Prince, les ombrelles fanées de Stendhal, le bourdonnement de la circulation du sang, les silences de Miles dans la nuit outremer, la fertilité des champs de lumière sous la voûte cosmique, les expérimentations absconses d'Ahmad Jamal, le premier manuscrit du premier livre frémissant de toutes ses pages, la violence stylisée de la virtuosité d'Ali...

Rien n'est plus érotique et religieux que la femme agenouillée. Son dos arrondi est bien une main qui prie dans la plus profonde allégresse, et joint impudiquement l'autre main, dans le même geste de recueillement sensuel... Rien n'est plus intensément pieux que de jouir dans la bouche amoureuse d'une femme agenouillée.

La vue de la femme agenouillée est littéralement insupportable d'émotion brute. C'est inhumain parce que tellement divin, au-delà du divin même, long désir impétueux à faire bander la mort, jouir les anges... La femme agenouillée se dévoile sans le fard, poignante et hautaine, triviale et affectée, la plus révolutionnaire des femmes et la plus respectueuse des traditions... Elle vous meurtrit. Vous ne touchez plus la terre ferme car elle vous blesse le coeur sans le briser. Sa force de séduction est désespérante : on a peine à seulement palper du doigt la jouissance granulée de sa chair pourtant offerte.

Le femme agenouillée est au paroxysme de la volupté. On ne vit plus que dans l'oubli de soi, le grand basculement zen vers un néant absolu. La femme agenouillée éclaire le vice et plonge la vertu dans le noir. Elle est toujours supérieure à la femme debout : elle a toutes ses imperfections pour elle, qui tournent finalement à son avantage comme des tables spirites. On flotte sur un nuage de bulles mauves, les plus grandes diablesses du paradis se crêpent le chignon dans la plus totale abstraction.

Tout colle dans le discours muet de la femme agenouillée. Elle n'a pas besoin de trop en dire pour en dire suffisamment. Elle a la parole facile des silences qu'elle retient. Elle accepte son rôle d'image pieuse. Elle adore trifouiller dans le désordre bien organisé des sensations mâles. On la regarde comme on étouffe de joie face à l'image du Christ. C'est ainsi qu'elle aime répandre sa morale hyper sexuée : sans feindre le plaisir qu'elle ne prend pas, mais en répondant favorablement à toutes les exaltations...

La femme agenouillée est une pénélope trépidante, qui a si peu l'air d'une vamp que tout le monde tombe dans son escarcelle de miel. Elle balance au visage des impolis des gifles cosmiques, dont on se demande d'où vient l'insoutenable puissance, et qu'on reçoit en pleine face comme un don du ciel, une abominable déclaration de noblesse. Elle se découvre des choses dont elle n'est peut-être pas capable, mais qu'elle exprime mieux que n'importe quelle autre...

Elle a sans cesse un moral anormalement au beau fixe. Un rien la déshabille, et tout la revêt sans qu'elle s'en rende compte. Ses courroux, même, sont caressants comme des voiles de satin. Ses périodes d'abstinence font rougir de joie le plus petit silence entre nous : je ne suis jamais assez à plaindre pour avoir le droit de revendiquer quoi que ce soit... Elle connaît très bien le luxe sans un sou, l'amour divin sans icône, l'amnésie pleine de mémoires enfouies... Elle a quelque chose de relativement gloutonne quand elle veut.

Les femmes comme elle n'ont pas besoin de trahir pour éviter de s'ennuyer. Toutes ses crises sont provisoires - à chaque fois, d'ailleurs, c'est la dernière fois... Puis ça repart à fond. Nous ignorons les pathétiques reproches et amertumes ; même ces épreuves ignobles nous sont refusées... Un zeste de paix totale, le reste de joie inconcevable... Ma femme, moi, et un vide délicieux sous nous... Le Grand Eden amoureux viscéralement méditatif... L'absence parfaite au milieu de sentiments contradictoires... Le Walhalla de Cupidon !
Eva
Envoyé mercredi 28 juillet 2004 - 20h37:   

En fait, on ne se rend compte de rien sur le moment, on trouve ça parfaitement normal cette passion, cette "possession". Mais c'est ensuite, lorsque le fait d'arrêter de lire nous recrache brutalement dans la réalité, que les autres textes nous paraissent désespérément fades et ennuyeux, comme si les vôtres monsieur nollet étaient plus colorés, vos personnages plus vivants. Cette femme agenouillée en particulier, pas du tout infériorisée pour autant mais au contraire magnifiée, tellement troublante et attachante.

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