Sarah Gastard (Intervenant non inscrit)
| Envoyé mercredi 26 juillet 2006 - 13h31: | |
Un moment, une pierre a secoué son sable et a regardé une pierre qui venait de perdre son sable. A part ma pierre, les autres pierres, ensablées, n'ont pu suivre le regard partagé, regard sans sable, regard d'eau salée. Entre pierres, nous savons que le sable nous aide à nous sentir des pierres. Sans un grain de sable, la légèreté nous atteint aussitôt, nous livrant au vent qui nous soulève au-dessus des sables et du vent, et ce serait ici notre fin. Pourtant, quelquefois, des pierres tentent de cogner aux confins, solides mais destructibles, de leur vie. Elles sautent hors du sable, se laissent porter par le vent léger, elles partent à deux dans ces vagabondages et se regardent, et dans leur peur elles se voient comme si c'était le sable qu'elles ne verront plus jamais leur lécher la peau. A vrai dire, elles ne pensent pas à se regarder, elles se regardent mais sans cesser de penser aux vaguelettes d'écume. Aussi, les pierres ne sauront jamais à quoi elles ressemblent, car soit elles restent dans le sable pour se protéger du vent, soit, hors du sable, elles se voient comme elles aiment l'eau salée qu'elles n'ont jamais vue. Elles peuvent voir, mais le sable sur elles les empêche de voir le sable et l'eau qui les recouvre en plus. Elles peuvent voir, et elles imaginent, dans le vent, les couleurs du sable et de l'eau. Elles ne pensent qu'à cela, il ne leur vient pas à l'idée de se transpercer du regard. Toutes, elles ne pensent qu'à ce qu'elles aiment. Ce n'est pas pour voir enfin le sable, qu'elles osent se dévêtir du sable. Car le vent les soulève trop vite, au-dessus du sable et du vent. Et, revenant au sable, les pierres aussitot tombent dedans comme un petit animal tomberait dans un trou profond. On ne meurt pas ; on va au-dessus du vent, tels des pierres qui n'ont jamais vu ni le sable, ni l'eau, ni le vent, et qui ne se sont jamais vues entre elles. |